Dans ce texte, nous analysons les résultats des élections présidentielles, prenons position par rapport aux élections législatives, et expliquons pour quelles raisons, dans cette nouvelle situation, nous pensons plus que jamais urgent de construire une nouvelle organisation politique porteuse d’un véritable projet alternatif au système capitaliste, un projet écologiste, antiraciste et féministe, réellement démocratique, construit à partir des quartiers populaires et des mouvements sociaux, par et pour les premier·es concerné·es par les injustices.

Après des mois de campagne pour l’élection présidentielle marquée par une surenchère de propos racistes et de clins d’œil assumés à l’extrême-droite – même chez certains candidats dits de « gauche » – le résultat est tombé : Emmanuel Macron est réélu (en perdant 2 millions de voix par rapport à 2017) et l’extrême droite est plus forte que jamais, totalisant plus de 13 millions de voix au second tour (presque 3 millions de plus qu’en 2017). Avec 7,7 millions de voix au premier tour, Jean-Luc Mélenchon arrive en tête dans bon nombre de villes et de quartiers populaires. Dans certaines villes de la banlieue parisienne, son score dépasse même les 50% au premier tour : son projet, clairement identifié comme le plus abouti sur les questions sociales et écologiques et (enfin) clair sur les questions de racisme et d’islamophobie, a trouvé un écho chez celles et ceux qui subissent de plein fouet ces discriminations et rejettent en grande partie le reste de la classe politique, analysé à juste titre comme étant complice de ce système injuste et raciste.

Forte de son score au premier tour, l’Union Populaire a proposé à l’ensemble des partis de gauche de participer à une alliance électorale pour les élections législatives : Europe Écologie Les Verts, le Parti Communiste Français ainsi que le Parti Socialiste ont accepté, alors que le Nouveau Parti Anticapitaliste, après d’âpres négociations, a finalement décidé de ne pas en être, notamment en raison de la présence du Parti Socialiste dans l’alliance, des compromis qu’elle impose et de propositions très inférieures à la proportionnelle en terme de circonscriptions. Cette alliance électorale est une bonne chose dans un contexte où l’extrême-droite est si forte et où l’abstention risque à nouveau de donner une large majorité à l’assemblée au parti présidentiel. Ainsi, nous apportons notre soutien aux candidat·es qui, dans le cadre de cette alliance, s’opposent aux politiques néolibérales et autoritaires afin qu’elles et ils soient assez nombreuses et nombreux à être élu·es pour éviter la catastrophe que constituerait cinq ans de poursuite des réformes menées par les gouvernements d’Emmanuel Macron. Là où des candidatures, même labellisée « NUPES », seraient porteuses d’un discours libéral ou réactionnaire, nous soutiendrons d’autres candidatures porteuses d’une voix de progrès social et d’égalité.

Néanmoins, cette “Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale” pose de nombreux problèmes, que nous pensons important d’exprimer sans attendre l’issue des élections législatives. D’abord, à plusieurs endroits, cette alliance électorale négociée entre les dirigeant·es des partis se fait au détriment de l’avis des militant·es locaux et au bénéfice de parachutages ou d’investitures de député·es sortant·es (PS ou LREM notamment) aux positions inacceptables. De plus, au fil des négociations, et sans même que ni les militant·es ni le “Parlement Populaire” (censé représenter le mouvement social au sein de l’Union Populaire) ne soit consultés, le projet de la campagne de la présidentielle a été amendé : plus de mention du nombre d’annuités nécessaires pour avoir une retraite à taux plein à 60 ans (l’accord avec le PS nuançant même en précisant « pour les carrières longues, discontinues et les métiers pénibles »), disparition de la nationalisation d’EDF et des grandes banques généralistes, etc. Il n’est pas non plus affirmé l’objectif prioritaire de s’attaquer au fait que 13 millions de suffrages se sont portés sur un programme de préférence nationale dans un pays déjà gangrené par le racisme systémique, l’islamophobie, la violence institutionnelle et policière. Enfin, pas une seule ligne n’est consacrée à l’accueil des réfugiés. L’objectif d’unir les forces anti-libérales ne doit pas se faire en sacrifiant toujours les mêmes pour des accords électoraux !

Cette alliance électorale est importante pour essayer de sortir notre camp social du désespoir et de l’accumulation des défaites. Mais nous pensons que le poids de l’extrême-droite et des libéraux autoritaires, l’ampleur des catastrophes écologiques en cours, l’attente de démocratie et d’auto-organisation des nouvelles générations nous obligent à faire entendre une autre voix. Une voix qui porterait fièrement un projet réellement alternatif au système capitaliste, productiviste, raciste et patriarcal. Une voix qui serait multiple, riche de toutes les voix de celles et ceux que les partis politiques oublient une fois les élections passées.

Aujourd’hui, ces voix sont éparpillées. Nous avons souvent l’occasion de nous retrouver dans ou en soutien des luttes, dont l’autonomie est nécessaire, ou des cadres unitaires, dont la nécessité ne fait aucun doute. Mais nous pensons que la situation nous impose de nous organiser davantage dans un espace commun profondément démocratique. Une organisation dans laquelle nous pourrions collectivement élaborer une stratégie et des propositions qui répondent aux aspirations populaires et qui, ensemble, dessineraient un nouveau projet global, transversal, radical et concret. Une organisation ancrée dans le quotidien, dans les luttes, et qui, sans courir après les élections, prendrait la question électorale au sérieux et serait capable de constituer un pôle radical et réellement populaire au sein des alliances électorales comme la « Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale ». Une organisation construite par et pour les premier·es concerné·es. Une organisation qui prendrait à cœur de construire une nouvelle culture politique avec toutes celles et ceux qui la rejoignent, une culture commune à la fois solide et capable de se rendre perméable aux nouvelles rencontres.

Depuis plusieurs mois, nous avons pu échanger nos points de vue avec des militant·es de mouvement féministes, écologistes, des militant·es des quartiers populaires ainsi que des organisations comme PEPS, l’Offensive, le NPA, Ensemble… Nous savons ce qui nous rassemble : l’analyse que le système actuel engendre des catastrophes climatiques et menace concrètement les vies de millions d’habitant·es sur la planète, qu’il concentre les richesses et le pouvoir entre les mains de quelques-un·es et qu’il ne survit que grâce à la domination impérialiste et à l’exploitation de celles et ceux qui n’ont que leur force de travail pour vivre, qu’il utilise et renforce les oppressions et discriminations  contre les femmes, les personnes LGBTQI+, contre celles et ceux dont la peau n’est pas blanche. Nous voulons mettre fin à ce système et proposer un projet qui mettrait au centre les questions d’égalité – de toutes les égalités – d’écologie et de démocratie, qui ne fermerait pas les yeux sur l’impérialisme français, qui n’aurait pas peur de défendre le contrôle des salarié·es dans l’entreprise et l’autogestion dans tous les domaines de la vie et des mesures radicales pour mettre fin aux discriminations et aux violences faites aux femmes.

Nous savons que lors de cette élection présidentielle nous n’avons fait que gagner du temps face au fascisme qui monte, car l’extrême droite est toujours puissante et ses idées ont gangrené une grande partie de la classe politique et des grands médias, car ce système exacerbe les violences. Nous savons que le temps presse face aux catastrophes climatiques qui s’annoncent, au désastre social qui s’aggrave chaque jour un peu plus.

Nous n’avons plus le temps d’attendre.

Dès maintenant, nous proposons à toutes celles et ceux qui se retrouvent dans ce projet de se rejoindre pour le construire ensemble. Nous organiserons avant l’été une série de rencontres pour approfondir certains sujets de réflexion et dès septembre nous proposons de lancer un processus constituant visant à construire cette nouvelle organisation commune. Toutes celles et ceux qui le souhaitent pourront participer à cette construction, individuellement ou avec leurs collectifs. Rejoignons-nous !

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